Philippe
Dubit
Philippe Dubit procède par séries
de dessins au crayon pierre noire où s’amoncellent des fragments
d’êtres et d’objets : oreilles, vulves et bouches ouvertes, doigts
de pantins désarticulés, corsets vides, cordes, tissus plissés,
couvercles de boîtes en carton, aiguilles,… Tous reliquats
entassés dans un chaos méthodique, morts mais agissants. Voilés
par la brume du crayon, agrippés par le grain savoureux du papier,
baignés par les gris, un pied dans la profondeur de l’ombre.
Ces objets fonctionnent comme des
symboles, des leviers oniriques et fantasmatiques nous renvoyant
à cette mémoire trouble enfouie en chacun de nous, peuplée de désirs
enchaînés, de renoncements, de fascination inquiète pour le mystère,
la mort, la marge, la folie. Cette mémoire imbibant nos mythes
fondateurs, vivier des contes et légendes, des récits bibliques
ou mythologiques, de l’art et de la littérature. Cette mémoire
qui affleure au contact d’un objet, d’un organe, de l’énigmatique
agencement des choses.
Chaque série est inspirée
d’un thème générique, un déclic provoqué par une image, un livre,
un récit, une phrase. Ces déclics éveillent une succession de sensations
personnelles, un vagabondage alimenté par un bréviaire d’images
et de mots dispersés dans l’atelier : dictionnaires illustrés de
médecine ancienne, livres usés, objets chinés, recueils d’images,
reproductions diverses. Suit le corps à corps avec la matière et
les outils, la floraison anxieuse d’objets de lumière au cœur des
ténèbres.
Laurent COURTENS,
Historien d’art. Texte de présentation de l’exposition
« Fragments » à l’ISELP, Bruxelles, 2003.
Je contemple ce monde.
J’en déploie la carte, immense
et rétractile.
Ils me sont connus, ces campements
pétrifiés aux alentours d’une promesse de gouffre.
Elles me sont familières, ces errances
arrêtées par l’éboulement d’un songe, par l’asphyxie d’une vision.
En des pays de chair et de sang,
aux frontières disloquées, j’ai souvent cherché, et parfois trouvé,
les signes inexplicables d’un sacré né de mes sacrilèges mêmes.
Nous ne savons que trop, quand
nous tombons sous l’effet d’un effarement, et nous relevons sous
celui d’une morsure, que nous regroupons nos solitudes dans une
aventure aussi audacieuse qu’indescriptible. De cette aventure,
on revient tantôt lourd de révélations, tantôt démuni d’espérance.
Le monde de Dubit a la fascinante ambiguïté des grands espaces s’enroulant
sur eux-mêmes, des démesures « recroquevillées ». C’est peut-être
ainsi que l’on devient tout ensemble artiste et psychologue.
Marcel Moreau
Philippe Dubit dessine au premier
étage d’une petite maison sans histoires située à Nivelles. Protégé
par le rez-de –chaussée (sous ses pieds) et l’étage (à la place
des nuages), il noircit le papier, le noircit encore au point d’y
noyer les lumières porteuses de signes, d’appels, de rappel : pierre
de folie, cordes nouées, outils tranchants.
A l’ombre de cette solitude angoissée,
l’homme ricane, prend un autre crayon, entaille encore, viole la
feuille, la cuisse, la courbe qui passerait par-là, puis prend peur,
perd l’équilibre, se sent vaciller et emporte dans son évanouissement,
l’espace même de l’œuvre. Pas à pas, presque bourgeoisement,
Dubit se relève. Puis recommence, l’œuvre le suit, le précède
parfois et, insensiblement, ouvre des jardins d’enfance, de souvenirs,
d’une quête qu’il croyait hier avoir accrochée au portemanteau des
entrées. La vie n’est pas un chapeau boule. Même au
pays de Magritte. Et Dubit n’a rien d’un surréaliste.
Guy Gilsoul A.I.C.A
Philippe Dubit a développé une
vision toute personnelle à travers ce qu’on pourrait appeler une
peinture au fusain ou aux crayons noirs, tant ces techniques, chez
lui, obéissent peu à la traditionnelle utilisation du trait qui
leur est généralement affectée et ce, au profit de stratégies généralement
réservées à la peinture : modelés, jeux d’ombres et de nuances,
remplissage du support. Originalité dans l’emploi des matériaux
donc, dont l’artiste tire les effets les plus suggestifs avec une
virtuosité étonnante dans le rendu des matières, mais aussi et surtout
une thématique figurative des plus originales.
Ses grandes compositions monochromes
pourraient être qualifiées de néobaroques : mise en scène théâtrale
d’objets souvent représentés dans des rythmes diagonaux, comme emportés
par une tempête, savantes insistances sur les contrastes entre ténèbres
et lumière, le tout résultant d’une vision intérieure qui touche
à l’onirisme plutôt qu’à l’allégorie, puisqu’aussi bien l’artiste
confère à ses représentations (souvent les objets traditionnels
de la nature morte) des allures de trophées pour un temps nouveau.
« Cet ésotérisme est le fruit d’un
glissement poétique, du regard biaisé que l’artiste contemporain
pose forcément sur toutes choses. A telle enseigne que ces magnifiques
dessins qui se prévalent, entre nature morte et trophée, d’un amoncellement
d’objets en un certain ordre assemblés sont seulement emblématiques
d’une beauté visuelle, poétique, philosophique toujours à redécouvrir
», écrit Danièle Gillemon.
Serge Goyens de
Heusch
L’ art de Philippe Dubit se porte
au cœur des tissus obscurs du souvenir, là où le jour est fragile
et imprégné d’ombres.
Idées, passions et mythes, choisis
pour la charge énergétique dont ils sont capables, s’enchaînent
et convergent vers un singulier théâtre noué d’intrigues.
Chaque instant du tableau est un
îlot du tumulte des images. Macabres ou oniriques, des éléments
scéniques aux frontières de fumée tissent un drame qui jamais n’apparaît.
Ce monde-là, nourri des urgences
de la mémoire, nous entraîne d’une manière singulière. Que veut-elle
? Franchir les barrières de l’oubli ? Sa fécondité vient de la mouvance
des âges, de ces lieux où les temps ordinaires n’ont plus cours.
Par cette apologie de la surabondance,
Philippe Dubit donne à voir un jeu de méandres étudiés comme les
couloirs d’un labyrinthe. Rien n‘est dit, tout s’y devine et si
l’image s’enténèbre, elle trouvera cependant son assise sur ce rassurant
pouvoir qu’elle a d’apaiser et d’humaniser l’indéfinissable.
Daniel Lafontaine
De 1969 à 1980, j’ai
pratiqué une peinture abstraite dont le point d’ancrage était, à
travers le paysage, l’espace.
Très coloré et, au
départ, influencé par les œuvres de Serge Poliakoff et Nicolas de
Stael, ce travail, à la suite d’épurations progressives et d’un
intérêt croissant pour les problèmes de la perception de l’espace
et des propiétés des couleurs, s’est peu à peu transformé.
Il en est résulté
des surfaces recouvertes de couches successives de glacis engendrant
une apparence monochromatique d’où une vision prolongée et soutenue
faisait surgir des rythmes de vibrations colorées, des sensations
lumineuses qui réactivaient le champ pictural, créaient la sensation
de profondeur. Induisant une réflexion sur la perception visuelle.
Parallèlement à ces
travaux, j’ai abordé la technique du dessin en 1974,. Employant
essentiellement des dégradés réalisés à la mine de plomb, j’étudiais
la relation entre l’espace « réel » perçu et l’espace bi-dimensionnel
du dessin. Il s’agissait alors de suites d’œuvres de petits
formats à travers lesquelles un schéma-composition original subissait
une série de variations, de déplacements des plans et des zones dégradées,
le tout suivant des paramètres fixés au préalable
En 1983, une forme
symboliste, figurative, une expression plus centrée sur l’existentiel
ou la (re)construction de la réalité sont apparues, les sujets de
référence pouvant être littéraires –Cosmos de Witold Gombrowicz-,
mythologiques ou historiques –Judith, Lucrèce, les pierres de folie-,
ou picturales –« La liseuse de romans » d’Antoine Wiertz.
Les œuvres de petits
formats sont réalisées au crayon pierre noire sur papier, les grands
formats au fusain.
Philippe Dubit
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 Nombril 22,5
x 15 cm pierre noire / papier 2002
 Nombril 22,5
x 15 cm pierre noire / papier 2002
 Cosmos 31
x 29 cm pierre noire / papier 2001
 Vanité
Livres 22,5
x 15 cm pierre noire / papier 2001
 Sans
titre 11
x 8,5 cm pierre noir / papier 2001
 L'homme
qui voulait se défaire 22,5
x 15 cm pierre noire / papier 2000
 L'homme
qui voulait se défaire 22,5
x 15 cm pierre noire / papier 1999
 L'homme
qui voulait se défaire 54
x 40 cm pierre noire / papier 1997
 La
liseuse de roman 22,5
x 15 cm pierre noire / papier 1996
 Désir
de voler 106
x 76 cm fusain / papier 1994
 Pandore 106
x 76 cm fusain / papier 1993
 Pierre
de folie 22,5
x 15 cm pierre noire / papier 1993
 Vaisseau
fantôme 106
x 76 cm fusain / papier 1993
 Cosmos 106
x 76 cm fusain / papier 1993
 Cosmos 106
x 76 cm fusain / papier 1993
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