Belgitude / Technique mixte  / Collage     

Laurent d'Ursel

 

d’Ursel, Laurent (1959).

Lœuvrettiste depuis 1998 faute d’être écrivain depuis toujours. S’en félicite depuis que le verbe remonte au latin felix, « heureux ». Produit sans discontinuer tout ce qui lui passe par le système nerveux central. Se donne les limites qu’il peut dépasser par la serrure des mots. Remplace le génie par l’enthousiasme. Et le temps qui lui reste par les choses qu’il aura faites. Ne lésine sur rien. Compte sur la mort pour descendre dans son corps. Touche à tout ce qui trompe son ennui, orne le vide, lui injecte des doses de cheval de sens. A massacré plus de livres qu’il en faut pour le regretter, exporté un pèse-personne à Brescia, déchiré Le Démon du bien à Paris, exposé des titreries à Tournai, organisé la manifestation « Y a trop d’artistes ! » à Bruxelles et lancé son calendrier 2007 huit mois trop tôt. Remet sa pendule à jour dans www.loeuvrette.be . Et le reste à zéro. Devise : « Il faut que les choses avancent mais jamais n’arrivent. » Il ne lui sera rien arrivé.

Belgique, terre d’écueils
Pour détraquer la belgitude

            Être belge est une catastrophe et doit le rester.

            Revendiquer sa belgitude, c’est, au contraire, faire de soi la victime consentante d’une forme très pernicieuse de discrimination positive. Il est vrai que la belgitude s’invite aujourd’hui dans les salons, s’accroche aux cimaises, collectionne les titres de gloire, pique la curiosité marchande, endort la plus élémentaire méfiance.

            Bientôt on fera du belge au kilomètre, du belge pour ascenseur, du belge comme médicament, du belge pour devenir belge. On imagine des Belges en tête de gondole, en produit d’appel, en cadeau surprise. D’aucuns châtient déjà leur humour, empanachent leur détresse, plastifient leur accent, s’emballent sous vide. Halte à la récup : le Belge n’est pas une marchandise.

            La belgitude est un nouvel académisme. Au miroir déformant qu’on nous tendait avec condescendance  (et derrière lequel nous vaquions à ce métier harassant qui consiste à n’être personne d’autre que soi-même), nous préférons maintenant l’image d’une marque déposée dans laquelle on feint de se reconnaître, pire : devant laquelle nous commençons à grimacer pour mieux y coller.

                        - Mais on nous aime comme ça !
                        - Eh ben, dorénavant, ce ne sera plus réciproque.

            Tenir debout sans béquilles ni conservateurs, sans adjuvants ni droits d’auteur, sans sa place préchauffée dans l’Histoire, au Musée, dans la Langue, ça c’était du sport existentiel ! Et quelle fierté c’était, précisément, de n’en avoir aucune ! Quel luxe c’était d’être historiquement irresponsable, culturellement athée, linguistiquement apatride ! Quel confort ! Quelle classe ! Quel gain de temps dans la course vers l’essentiel qui est l’éternité du néant !

            Ce pays très plat qu’aucun destin ne précédait, qui ne ressemblait à rien sinon à quelque malédiction, ce pays en forme de gag douteux n’était promis qu’à une terrible et sublime fatalité : devoir compter sur sa propre impuissance pour se sortir de soi-même, sans jamais se bercer d’histoires, de majuscules, de légendes autres que cyclistes. Voilà que ce pays condamné d’avance commue sa peine en stratégie de communication. Car la belgitude, cette science de l’invagination du moi, est une authentique entreprise de formatage de l’âme sous prétexte d’une restauration de sa compétitivité sur le marché des clichés dévastateurs.

            Disons-le tout net : un Belge qui se regarde être belge est un Belge bon pour l’exportation, à reconduire à la frontière, à remplacer par un immigré fraîchement revenu de tout, désespérément livré à lui-même et imperméable à toute illusion. Car une louange est une intrusion qui a trouvé sa cible. Car une flatterie est un viol qui a fait mouche. Car la mode est un crime mental.

            Mais comment crever la baudruche enflée de la belgitude ? Comment préserver l’abcès délectable qu’est la Belgique ? Dernière action en date : « Pour le rattachement de la Belgique au Congo ! » (manifestation populaire). Prochaine action en cours : Toute cruauté est-elle bonne à dire ? Le vernissage de la Belgique (exposition collective).

            Car le contraire d’une infirmité est une infirmité qui s’ignore.

Laurent d’Ursel  

 

Les Titreries

 

Une irrésistible collection de « lœuvrettes ». Des œuvres absurdes, féroces et poétiques. Des lœuvrettes tantôt philosophiques, tantôt mordantes ou désabusées. Mais toujours drôles. Au départ pourtant, Laurent d’Ursel se voulait écrivain.

Aurore D’Haeyer, Le Soir  

 

Laurent d’Ursel a beau être grand et dégarni, on se demande malgré tout, furtivement, s’il n’est pas la réincarnation d’un petit monsieur aux cheveux frisottants. Un certain Georges Perec. Ou au moins son fils caché, prodigue, prodige et irrévérencieux.

Marc Oschinsky, La Libre essentielle  

 

Si Lautréamont avait été punk, il aurait sans doute apprécié cette forme de nouvelle poésie qui n’utilise jamais deux fois le même titre de livre pour soulever l’émotion du lecteur. (…) Il y a dans Au diable les écrivains heureux ! un combat exemplaire du sens, du signe, de l’image et de la chose. Derrière chaque vers se cache un livre entier, lourd d’imaginaire, d’évasion, de pistes de réflexion. Les titreries de Laurent d’Ursel sont des poèmes en tranches, formés de livres sur lesquels l’auteur a promené son pinceau vengeur. (…) C’est la bienséance et la déférence que Laurent d’Ursel assassine. Au diable les écrivains heureux ! est une sorte de « post-farce » à l’univers des lettres. Il recycle la littérature dans un feuilleté de livres, suggérant par là qu’aucune œuvre ne saurait être définitive et que les cadavres sont exquis.

Daniel Couvreur, Le Soir  

    

Est-ce à dire que cet obsédé dragueur de première est un nouveau Duchamp ? Non point, certes (…) On peut dire qu’il a tout essayé (…) L’humour ne lui manque pas (…) Ses mains toujours sales, avec lesquelles il arrive à faire du propre. Incroyable ! (…)  Je le mets dans tous mes films (même le projectionniste du centre Pompidou l’a remarqué, c’est beaucoup dire) (…) Laurent d’Ursel est une espèce de mitrailleur des bonnes manières (…)  C’est, au fond, un artiste incompris (…) « ICI VA VIVRE LE CINEASTE BORIS LEHMAN », son chef-d’œuvre non signé, apposé dans la nuit du 2 mars 2001 au 25 rue Félix Bovie, à Ixelles, a finalement été volé le 8 septembre 2003, après avoir séjourné un peu plus de trois ans et demi au grand air. Un record absolu !

Boris Lehman  

 

On termine la semaine par une blague belge, les « titreries » de Laurent d’Ursel, « lœuvrette » d’un « «écrivain raté », ni écrivain, ni même plasticien. Héritier des pitres littéraires, manipulant l’écriture au couteau, il crée en découpant les mots des autres, c’est la solution qu’il préconise pour « couper court à la civilisation du prêt-à-lire ».

Eric Amira, Yahoo ! Actualités, Le livre du jour  

 

Comme tous ceux qui suivent le travail de Laurent d’Ursel depuis de nombreuses années, je reste frappé par l’énergie jubilatoire avec laquelle il mène ses expériences. Une fulgurance que je qualifierais de décoiffante s’il avait des cheveux, et qui lui permet de dépasser les règles et les vocabulaires établis, pour proposer des objets d’une autonomie absolue.

Tout en s’inscrivant dans une tradition qui, des surréalistes à Broodthaers, n’a cessé de décloisonner les pratiques artistiques et de multiplier les allers-retours entre texte et image, ses lœuvretttes s’inscrivent parfaitement dans le paysage des icônes contemporaines. Leur potentiel d’humour et de poésie corrosive leur permet non seulement de résister à notre surexposition visuelle, mais il offre un point de vue, qui ne finit pas de les rendre indispensables à ceux qui ont eu la chance de les croiser du regard.

Là où d’autres produisent ou fabriquent, lui balise un territoire avec des œuvres qui (telles des bornes) révèlent les frontières mouvantes d’un univers en perpétuelle expansion. En cela ce n’est pas seulement un artiste, c’est un auteur qui par sa position atypique (entièrement dans l’art et absolument à côté) nous permet d’expérimenter la « marge ».

C’est un glaneur (comme nous les a fait aimer Agnès Varda) qui, après avoir rapporté chez lui les résidus du monde, se transforme en alchimiste. Sous ses mains, ces tranches de livres se transforment en tranches de poésie pure. Leur agencement renvoie autant à la fragilité des haïkus qu’à la contrepèterie de corps de garde. C‘est comme si, sous nos yeux ébahis, Frédéric Dard copulait avec Marguerite Duras. C’est d’un culot soufflant qui à chacune de ses propositions nous prend par surprise. C’est drôle, c’est confondant, ça ne ressemble à rien de connu…

Juan d’Oultremont  


Contactez l'artiste

Laurent d'Ursel
“Loeuvrette Factory”

44 rue Coenraets
1060 Bruxelles

Le site Web de l'artiste : www.loeuvrette.be

e-mail: laurent.dursel@loeuvrette.be   Tél: +32(0)2 539 30 24

 

 

 

 

 

 

 

 


"Pavillon de transite"
Réalisation Xavier Löwenthal et Concept Serge Goldvwicht

 


Photo de Jean Hanssens


Photo de Jean Hanssens


Photo de Jean Hanssens

 


Photo de Mariska Forrest


Photo de Mariska Forrest

 


 

 


Titrerie
63, 18 x11 x 4 cm


Titrerie 1
18 x 26 x 4 cm


Titrerie 91
18 x11 x 4 cm

 


Titrerie 143
18 x 10 x 4 cm


Titrerie 178
18 x 23 x 4 cm


la Loeuvrette Factory sort son calendrier 2007

 


L’art par tous les temps

 

 


Voir vivre voire mourir
67 x 57 x 19 cm

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