Geneviève Van der Wielen
ENTRE VOYANCE ET VOYEUR par Jean-Paul Gavard-Perret
Il est doux parfois de laisser pousser les fantasmes comme des chiendents.
Alors que faire lorsqu’une artiste comme Geneviève Van Der Wielen nous les
propose dans ses figurations ambiguës faites d’instinct de vie en lutte contre
la mort ? Que faire et pourquoi les refuser ? Les femmes de l’artiste nous
regardent. On voudrait même croire qu’elles ne regardent que nous… Elles lisent
dans le livre de nos secrets. Elles contribuent même à l’ouvrir. C’est dire si
l’artiste connaît bien les hommes... Ses femmes réveillent leurs jardins
intérieurs, leurs paysages intimes. Elles distillent des hantises, des
aimantations dont toute perversité n’est pas absente.
Reprenant la peinture où d’autres belges (en particulier Paul Delvaux)
l’avaient laissée, Geneviève van Der Wielen la pousse plus loin afin de nous
piéger. Veut-elle que nous succombions ? C’est son secret. Ou sa propre
perversion. Mais nous demandons qu’elle nous repasse ses plats. Dans un espace
ni vraiment onirique ni vraiment irrationnel elle crée un théâtre libidinal en
fixant des vertiges masculins. Certes les actes de ses figures féminines peuvent
paraître innocents tant ces dernières jouent les indifférentes. Mais leur
mission est de percer nos désirs et nos plus obscurs fantasmes. Le spectateur
voudrait les suivre jusqu’en dehors de leur traces et devenir le bétail de leur
rêve, étonné d’y être invité.
Si les dispositifs de représentation sont faits de ficelles c’est à dessein.
Ils nous capturent par la sidération qu’ils tissent. L’artiste crée des suites
de cérémonies rituelles ou plutôt « érotuelles » minutieusement réglées pour
faire vivre le voyeur en ses fantasmes. Celui-là existe spirituellement par les
imaginations que féconde l’artiste. Il devient le fou du logis le plus intime
(toujours suggéré) et rêve d’y être emprisonné comme Sade en sa Bastille. La
femme chez Geneviève Van Der Wielen semble donc offerte pour être à la mesure de
qui est le voyeur. Elle a le devoir de montrer. Hélas elle ne fait que jouer
l’offrande et l’ouverture. Chacune d’elle semble élémentaire, première, prête à
sentir couler en elle le membre afin que nous soyons unis, indivisibles dans une
nuit sexuelle. Mais si le regard la dénude, c’est bien à l’inverse son regard
qui nous dévoile. Le voyeur devient la victime consentante d‘une chair étrangère
et qu’il ne pourra posséder.
Geneviève Van Der Wielen connaît les points sensibles d’un tel voyeur. Entre
l’image et le réel, les actes et les songes elle n’offre pas des remèdes mais
des poisons. Elle fait aimer non l’amour mais son manque pour que nous en
savourions l’excès. La plus émouvante érection rêve de se figer dans l’éternité
de la jouissance de la femme vue. Une telle peinture fascine et fait peur car le
voyeur connaît soudain la limite de son regard. Car la peinture n’est pas un
lieu mais rien qu’une « étendue » sans prise. Un corps parfois ambré d’aurore ou
de crépuscule, vibre d'immobilité sous le feu du ciel. Les pigments dont il
semble façonné sont un reste d’érosion, un dépôt. L’artiste propose un parcours
initiatique là où chaque fois l’émotion suggère un retour. Ses images
deviennent le monde entier. Le voyeur croît être non hors du monde mais dedans.
Il ne s’agit (hélas ?…) que d’une vue de l’esprit. Nous ne sortons du sommeil
que pour une longue insomnie.
Tout vacille, bascule. L’espace appartient plutôt à son retranchement qu'à
son ouverture. Il nous force et nous délite à la fois. Nous y sommes, nous y
serons jamais. C’est pourquoi une telle œuvre nous achève par son insistance. Le
monde devient le seuil du visible tendu à l’extrême. Au sensible Geneviève Van
Der Wielen donne la plénitude. Ce qui fascine c’est son horizon, son creux.
L’ultime tissu du monde qui peu à peu a été retiré. Oui la peintre nous a
piégés. Les œuvres mettent à jour une dé-mesure, une adjacence. Elles deviennent
obsession, ordre, désordre. Respiration et régression. Les formes débusquent les
sensations pour réinventer un langage plastique.
Jean-Paul Gavard-Perret Jean-Paul.Gavard-Perret@univ-savoie.fr
Chez cette artiste, à plus d’un titre atypique, dont l’œuvre s’égrène, sans discontinuer depuis ses début selon un imperturbable sens de la perturbation des règles de la bienséance ; certaines particularités sont des constantes.
Ainsi en est-il de l’exploitation picturale des sources de lumière, qui sont peut-être à prendre comme un souvenir des maîtres hollandais du passé.
Centrifuge ou centripète, la lumière n’est pas seulement projetée pour attirer l’attention sur tel ou tel élément du tableau.
Elle organise l’espace et les chorégraphies qui s’y donnent à voir, et tendent l’atmosphère, dans tous les sens du terme, cela parfois jusqu’à la détente.
Daniel Meyer
 Cauchemars 100/120 2008
C'est l'évidence: cette peinture-là est indifférente au tintamarre de l'actualité. Elle va paisiblement à contre-courant de la mode, des écoles, de notre quotidienneté hâtive. Et même a contre-courant du monde raisonnable.
Elle témoigne. En même temps, elle reste "un mystère en soi car elle dit mieux que nous ce que nous songions (et ce que nous ne songions pas) à dire"! Ce que Gabriel Germain a écrit de la création artistique en général: mieux dire ce à quoi l'on songe et, même, ce à quoi on n'avait pas songé, s'applique en effet très bien à l'œuvre de Geneviève van der Wielen: nouveauté, étrangeté, cohérence.
Cette peinture-là est donc une proposition à lire lentement. A méditer.
Car elle est un obstacle qui fait trébucher notre raison raisonnante, qui trouble nos limites. Voilà son vrai scandale.
Michel Hubin
CV
Geneviève Van der Wielen est née à Verviers le 3 février 1954.
Elle fait ses études à Liège à l'Institut Supérieur des Beaux Arts Saint-Luc de 1972 à 1975.
Prix remportés
1978 Bourse Darchis (séjour de trois mois à Rome)
Collections
Des oeuvres de Geneviève Van der Wielen se retrouvent dans les collections:
- de l'Etat Belge et de la Communauté Française de Belgique; - de la Province de Liège; - du Musée d'Art Wallon à Liège; - et de nombreuses collections privées, en Belgique, France, Espagne, Turquie, Tunisie, aux Etats-Unis, au Vénézuéla, etc..
 Les Chaussons 72/77 2007
Bibliographie
2006 article d'Ilse Adam et Peter Cooreman dans la revue ISEL (janvier/février)
2005 Nicole Jacquemin & Michel Hubin: Tendres Morsures - L'oeuvre de Geneviève Van der Wielen (Ed. Luc Pire, coll. Empreintes)
EXPOSITIONS.
1975 -Galerie l’Ane Rouge,Liège -Maison de la culture, Arles -Galerie IPPA, Liège
1976 -Sociètè Royale des Beaux Arts, Liège -Léodico-Ramada Galerie, Liège
1977 - Galerie IPPA, Liège - Centre ACPAA - Galerie le Callallou, Bruxelles - Quadriénnale des jeunes artistes,Musée de la Boverie, Liège
1978 - Bourse Darchis, Rome, Italie
1979 - Foire Coronmeuse de Liège
1980 - Office des Métiers d’Art, Province de Liège (collectif) - Galerie Nagelmackers, Liège
1982 - Musée d’Architecture, Liège
1984 - Galerie Valère Gustin, Liège
1988 - Galerie du Cirque Divers, Liège
1989 - Galerie Rencontre, Olne
1990 - Galerie Show’n Tell, San Francisco (USA)
1991 - Cirque Divers à l’Hotel Bocholtz, Liège (collectif)
1992 - Galerie du Zerbeûte, Bruxelles - Centre d’Art Contemporain La Chataigneraie, Flémalle (collectif)
1993 - Ateliers du Père Lachaise, Paris (France)
1995 - Musée d’art Moderne et d’art contemporain, Liège (collectif)
1996 - Galerie du Cirque Divers, Liège
1997 - Galerie Clapotis, Verviers
1998 - Galerie du Churchill, Liège - Maison du Poète,Liège (collectif) - Hommage à Proust, Palais des Congrès, Liège (collectif) - KMPP Gallery Los Angeles (USA)
1999 - Hommage à Chagall, Trianon, Liège (collectif) - In Vino Féminas, Caves de Hors- Château, Liège - Cirque Divers à la « Papeterie », Bruxelles - Galerie Otus, Anvers - Art Home Gallery, Oupeye (collectif) - 10 Artistes à la Rue(par Merlin) (collectif)
2000 - Engreux, Luxembourg (collectif) - Entre Deux Genres le SIPS Soundstation, Liège (collectif) - Carte blanche à Robert Alonzi, Galerie Culture Plus, Soumagne (collectif) - Galerie La Louve, Luxembourg (collectif) - Foire internationale de Linéart, Gant (collectif)
2001 - Galerie d’Oz, Liège - Galerie d’Une Certaine Gaîté, Liège
2002 - Connoisseur Gallery, rue Mazarine, St Germain des Prés, Paris, France - Galerie Artmony, Fexhe-Slin (collectif) - Château d’Anthisne, Danse Macabre, (collectif) - Musée de Comblain, Danse Macabre, (collectif) - Salon Annuel de Fléron - Linéart galerie La Louve
2003 - Engreux, « La Fesse » - Simenon d’une Pipe - Besselaar Kunst Galerie, Utrecht, Holland - Découverte Artistique des Ursulines, Liège (collectif) - Expo sur la Citoyenneté à Theux (collectif) - Musée des Beaux Arts de Verviers /Queneau-Blavier (collectif) - Tango-Tango : Galerie Lan Vert, Arte Cie Gallery, Liège - La Boca Mezza Luna (collectif) - Megalopolis-Art Home Gallery, Oupeye (collectif) - Momalia National Art Fair
2004 - Arches Gallery, Liège
2005 - Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain, Liège (collectif) - Découverte Artistique des Ursulines -2ème édition- Liège
2006 - Tendres Morsures, Musée de l’Art Wallon, Liège - Art Home Gallery, Oupeye
2007 - Les Murs de la Bartavelle - Les Murs de Bio Protect, Noville-les-Bois
2008 - Espace tendances galerie, Liège - Les murs de l'Aquilone, Liège - Invitée au 6ème festival international de Monastir (Tunisie)
2009 - Galerie Hors Château, Liège
2010 - Invitée par le Salon du Bon Vouloir à la - Grande Halle des anciens abattoirs de Mons
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