Pour l’artiste, il faut peut-être que cette « vérité cachée » soit une sorte de toile de fond implacable, qu’elle soit toujours présente à son esprit, mais de façon très silencieuse, avec beaucoup de discrétion… Antoni Tapiès, L’Art et les lieux, Daniel Delong éditeur, p.84
À l’origine du travail, il y a le papier. Un papier artisanal d’épaisse facture. Un papier au goût du voyage, aux saveurs d’ailleurs. Un papier qui a trempé dans la rivière, est passé entre les mains de l’homme, a séché au soleil. De cette fabrication hors du temps, émanent des cicatrices. Ce papier m’est précieux par sa provenance et son mode de fabrication qui poussent à l’urgence de l’épouser par le geste, la couleur, la matière, les transparences. Laisser le papier entrer en dialogue avec moi, le laisser prendre sa place, prendre la mienne dans le toucher. Et tirer profit de ses failles, créer de nouvelles lignes, développer un univers sur format imposé.
Ensuite s’amorce un dialogue autre et complémentaire avec le journal « Le Monde », ou plutôt avec des photos qui ont ravi mon regard lors de la lecture du quotidien. S’engage alors une confrontation entre ma recherche picturale mêlant encre, peinture, fusain, marbre, mortier, collage de journal, de gaze médicale… et l’immédiateté de la photo de presse. Ce collage de photo me mène à intégrer des fragments du monde au tableau, et par là, à « nommer » cette cruauté quotidienne pour m’en défaire. Le choix quasi instinctif de l’image intervient le plus souvent après la peinture et résonne principalement par association de formes, de couleurs, d’état d’esprit. Il reflète la sensation du monde telle que je la perçois. Monde cruel, hostile, où les personnes flottent, solitaires, perdues, en quête de repères. La composition de ma peinture apparaît équilibrée, harmonieuse, quasi théâtrale. C’est dans cette mise en scène qu’intervient la photographie qui sera visible ou non par la spectateur. Les matières brutes, naturelles, s’enchevêtrent, du jaune au sable, du bleu au rouge.
La série autour du thème de la croix s’inscrit dans la continuité de ce travail et ajoute une nouvelle réflexion. Croix, croisement, intersection des forces contraires comme représentations symboliques fondamentales de l’être humain menant au-delà du seul christianisme. La croix, c’est l’amour et la mort, c’est l’image de l’inconnu, c’est le symbole du mystère, c’est la marque de son territoire, c’est le symbole mathématique de la multiplication, c’est la mention biffée, c’est la manifestation du désaccord, c’est la négation. Mais c’est aussi, dans le christianisme, le symbole d’une communion entre le ciel et la terre, le symbole de l’ascension, du retour au paradis. C’est dans cette idée de paradoxe et de symboles directement compréhensibles que je mets en lien, en confrontation, le signe de la croix et la femme voilée.
|
2010
2008
Artiste de La Communauté Française de Belgique ![]() |
Toutes les photos
et textes présentés sur notre site Web sont soumis aux droits des artistes